we all have our secrets /nate

Les yeux sont rivés sur la démarcation de l’ancienne frontière du quartier. Les lèvres se pincent puis se tordent. La moue, lentement, transforme les traits du visage avant que la décision ne soit prise. She’s going in. Pas le choix, vraiment, si elle veut enfin savoir ce qu’il se passe de l’autre côté – si elle veut comprendre pourquoi elle n’a pas le souvenir d’avoir jamais entendu parler de Gotham. Jusqu’au tremblement, jusqu’à ce que le mur s’effondre, jusqu’à ce que les journaux n’en parlent finalement. Gotham, ce quartier sombre jusqu’alors inconnu ; Gotham, ce quartier sombre où semblaient avoir été détenus quelques-uns des plus grands criminels que la ville ait connu (elle en doute, Sunny, parce que bon, à ce qu’elle ait su, the Axeman était encore dans le coin (ou pas, elle est pas sûre d’avoir capté tout ce que Marie a pu dire à ce sujet, en réalité, parce qu’elle écoutait pas tellement, Sunny, trop dissipée et critique de la collaboration, même brève, de la Queen avec les white witches – même si Fiona Goode avait un côté badass bitch qu’elle appréciait bien, la jeune vaudou) et il était clairement un grand psycho dans son genre). Forcément, l’attention a été piqué. Forcément, elle a envie d’aller fouiner malgré les recommandations aux informations, malgré tout bon sens.
Yup. Définitivement, faut qu’elle passe la frontière et qu’elle aille zieuter ce qu’il se trame là-bas.

Son poing cogne contre la porte de l’appartement. « Naa-aaate, » qu’elle chante à travers le bois, la bouche plaquée contre le petit écart entre celle-ci et le mur, comme pour essayer d’ensorceler (bad pun intended) son pote. Parce qu’elle sait que ça va mériter quelques convincing de choix (juste un petit I’ll go anyway so you might as well accompany me qui, elle le sait, le fera forcément la suivre parce qu’il est comme ça, Nate, il la suit parce qu’il a un côté mâle alpha qui a besoin de la protéger et elle en profite peut-être, Sunny). « Open the damn door lazy boy, I got some stuff you’ll like, » fanfaronne-t-elle encore en plus sans se préoccuper de savoir si les voisins peuvent l’entendre ou non. De toute façon, ils doivent sans doute régulièrement sentir l’herbe en passant devant la porte du Wilson, les probabilités qu’ils ne soient pas déjà au courant que son appartement est un aqua bis sont donc infimes. La porte s’ouvre finalement pour découvrir Nate et elle arque un sourcil, Sunny, lâche un rire moqueur. « Party hard last night, uh? You look even worst than shit, dude. » Elle repousse son épaule d’une main pour passer devant lui, s’inviter dans l’appartement qu’elle connaît aussi bien que le sien, le regard qui cherche les traces d’une énième victime du charme Wilsonesque dans le séjour. Pas de string, pas de soutif, pas de pull égaré ou de chaussure abandonnée. Weird. « You didn’t bring a girl home? Are you sick? » A moins qu’elle soit déjà repartee – mais ça l’étonnerait, Sunny, parce qu’elle connaît la bête, à force de traîner avec depuis leur tendre enfance. Le regard se fait suspicieux, elle s’approche de Nate avec un pas exagéré, se hisse sur la pointe des pieds pour scruter son visage de près. « Ew, smell like trash too. Go take a shower, we’re going outside today. » Les pas qui reculent d’ores et déjà tandis qu’elle se laisse tomber sur le canapé, la tête allant reposant contre un accoudoir, le pied balancé sur le second. Une œillade à Nate et elle esquisse un geste du poignet. « Go on, we don’t have all day ! » Ouuuh peut-être qu’ils devraient y aller la nuit, en fait. Histoire de passer inaperçus, se vêtir de noir et imiter quelques cambrioleurs hollywoodiens.
Sounds like a plan to her.

Ses doigts ont attrapé la télécommande et elle zappe inlassablement, sans jamais accorder la moindre attention à l’écran, ne s’arrêtant que le temps de s’allumer un petit joint quand elle a entendu l’eau cesser de couler et sur lequel elle tire une fois avant de reprendre son activité. Nate ré-apparaît enfin et elle se redresse, Sunny, le visage éclairé par un large sourire. « Toi, moi, on va aller explorer Gotham. Mais pas tout de suite, il fait trop jour. D’ici, » coup d’œil à son téléphone, elle opine lentement, « d’ici une heure et demie à peu près. T’aurais pas un pull noir à me filer ? » Sourire angélique pour venir noyer le poisson, la tête légèrement penchée avant qu’elle ne sorte l’arme fatale en amenant le joint à ses lèvres et le tendre par la suite à son pote. Phase 2 du plan : le divertir jusqu’à ce qu’il oublie et ensuite l’entraîner à Gotham.

Malgré le silence de sa chambre, son cœur vibre encore au rythme de la musique électronique. Nate, il déteste dormir bourré. A chaque fois, c’est le même constat. Pas assez pour faire changer ses habitudes néanmoins, juste suffisant pour se maudire à chaque occasion. La migraine s’infiltre dans son inconscient, lui fait revivre la bruyance, les voix, les coups de la nuit. Ca lui donne la nausée, le tire du confort du repos qu’il devrait retirer. Toc. Toc. Toc. Toc… Les coups se font plus fort, le fait grogner contre son oreiller. Peu importe son sommeil merdique, il n’est pas prêt à le quitter. Naaaaaate. Mais cette voix lointaine le tire vers l’éveil sans qu’il ne puisse la bloquer. Les coups sont clairs maintenant. Un connard est en train de cogner contre sa porte. Si c’est encore son voisin venu se plaindre, il dénie toute responsabilité s’il finit en feu. C’est vraiment, vraiment pas le jour. La voix s’élève à nouveau et… Shit. Bien sûr. Qui d’autre que Sunny pour venir l’emmerder un lendemain de soirée ? Ugh. Ca fait chier. Parce qu’il était prêt à envoyer chier n’importe qui d’autre mais il sait qu’il n’a aucune chance contre la brunette. Elle campera sa porte jusqu’à qu’il n’abdique. D’un soupir, il se résout, pousse la couette sur le sol. Ne s’emmerde à enfiler quoi que ce soit pour rejoindre l’entrée, vêtu d’un seul boxer et de ses yeux encore à moitiés fermés.  La porte à peine ouverte qu’elle s’invite dans l’appartement, passe une main de son front sur ses yeux avant de la refermer. Ouais, il est vraiment pas en état pour ça. La remarque n’est rétorquée que d’un grognement, tout ce dont il est capable sur l’instant. S’il a l’air pitoyable de l’extérieur, ce n’est rien à l’état pathétique où son corps se sent. Il lui faut un peu d’eau s’il compte essayer de vaincre cette pâteuse et d’utiliser sa voix. Alors qu’elle s’avance dans le séjour, il en profite pour aller attraper une bouteille fraîche de son frigo qu’il descend aisément en la rejoignant. A temps pour entendre la surprise, la suspicion envers le manque d’évidences de one night stand qui peuplent généralement son salon. Il grimace. Il ne peut s’en empêcher, la réponse est instinctive. Les flashs de la nuit dernière essaient bien de s’infiltrer au devant de ses pensées depuis son éveil, mais il n’est pas prêt à les revisiter. Nope, il compte bien occulter cette temporaire insanité. « Don’t have to bring them home to get what I want. » qu’il s’évade de son regard suspicieux d’un haussement d’épaules, un pas arrière. Pas suffisant pour l’odorat de la brunette qui lève le nez de dégoût. « Shut up or I’ll hug you. » Faut dire que le canapé lui fait de l’œil aussi. Est presque tenter d’aller l’ensevelir sous lui et essayer de se rendormir. « Et j’vais nulle part. J’ai une migraine de la taille de c’putain de pays. » Les pas sont néanmoins déjà tournés vers la salle de bain. Parce qu’à part retourner dormir, il doit l’avouer, une douche semble la meilleure des idées. Il peut encore sentir son parfum dissimulé derrière ses odeurs de transpiration, weed et autre alcool… Une énième preuve qu’il a perdu toute raison.

Une longue douche brûlante, un paracétamol avalé, il se sent déjà plus humain lorsqu’il rejoint Sunny toujours posée sur le canapé. Il a pris le temps d’enfiler un jogging, de retrouver son téléphone qu’il parcourt dans l’espoir de trouver quelque chose titillant son estomac. Tâche interrompu lorsqu’il apercevoir le large sourire tirant les lèvres de sa meilleure amie. Il la connait cette expression, ça n’annonce rien de bon. N’ait pas le moindre surpris en écoutant son envie - sa demande, vraiment - déplaisante. « Told you, I’m not going anywhere. » Bien conscient que la balance ne penche pas en sa faveur, ça ne l’empêche pas d’essayer. Non, il a vraiment pas la motivation aujourd’hui, ne compte pas lui laisser la victoire aisément. Le joint tendu en invitation, le sourire angélique à ses lèvres, l’arnaque se sent à des bornes. Mais il ne peut résister à l’appel du joint qu’il glisse à ses lèvres. Les pieds de Sunny dans son chemin, il les soulève pour se poser dans le canapé avant de les déposer sur ses cuisses. « Why the fuck do you want to go in that shitty district anyway ? »  Une longue taffe, sa tête vient se reposer contre le dossier, vient frotter ses yeux fermés de son pouce. Fuck, il veut dormir. Regarder la télé et fumer avant de se rendormir. Son corps lâchera s’il essaie de se lever, il en est certain. « You know those freaks escaped from the Asylum. » qu’il rajoute, sans trop savoir pourquoi. C’est certainement pas ça qui fera Sunny changer d’avis. Ugh… il est foutu hein ? Quelques barres de plus, il tend le joint dans les doigts de la sorcière avant de retourner à sa tâche précédente. « J’vais commander. Tu veux un truc ? » Son estomac n’est qu’acide et même si l’idée de nourriture le rend malade, il connaît la seule façon de faire passer cet enfer. Burger, coca et pétards. Efficace à chaque fois.
  

Elle devrait sans doute s’estimer heureuse de ne pas être venue accompagnée, Sunny — la tenue de Nate aurait suffit à faire fondre les vierges les plus effarouchées et elle peut aisément deviner leur regard sur le corps qu’il présente. But who is she kidding? Qui aurait-elle pu inviter, elle qui est loin d’être sociable et entourée ? Ses seules amies font toutes parties du clan des vaudou et elles sont, en général, toutes réticentes à l’idée d’essayer de se mêler aux sorciers qui ne le sont pas (ou même à ceux qui ne sont pas vaudou tout court, la présence de mortel étant toute autant proscrite que celles de pale faces). Peu de chance, donc, qu’elle soit la cause d’un évanouissement ou d’une petite partie de jambes en l’air de si tôt. No one will get to touch him as long as she’s involved ; de toute façon, elle a beau toutes les adorer, ses vaudou friends, aucune ne se montre totalement à la hauteur de Nate. Un peu trop plongées dans la magie, le respect des traditions, yada, yada. Elle se fraie un chemin, sans plus attendre, sans réagir plus qu’un sourcil qui se lève pendant une seconde alors qu’elle zieute, ici, là, puis encore ici et encore là, sans trouver les traces habituelles de l’amusement typique de son pote. Et ça, ça pue. Elle le connaît, son Wilson. Elle sait ses habitudes, elle sait qu’il ne côtoie pas une fête sans finir entre les jambes d’une blonde, d’une brune ou même d’une rousse (elle ne croit pas qu’il ait déjà tenté les chauves mais peut-être qu’il n’a juste pas assumé). Elle roule des yeux, gonfle sa joue de sa langue. « Still. You have what? Screw some pretty girls and then dump her at the party without her following you around? Doesn’t sound right to me. » Parce qu’elle sait, Sunny. Parce qu’elle a vu, Sunny. Conviée à quelques fêtes (souvent par le biais de Nate, en réalité parce que même si elle se glisse parmi les étudiants sans trop de difficulté, elle ne se mêle pas à eux plus que nécessaire), elle a été témoin de l’attitude de toutes ces oeillades en direction de son pote et du côté groupie flippant quand il daigne leur accorder une seconde d’attention. Elle plisse les yeux avant de noter son odeur actuelle, pas à son goût clairement, et il réplique. Elle recule d’un pas, le nez qui se fronce. « Ew, no thanks. » Elle l’adore, mais y a des limites qu’elle n’est pas prête de franchir (et autant partager un joint, une clope, un verre et why not, une aventure ne la dérange pas, autant échanger des câlins et autres accolades c’est au-delà de ses capacités. Sunny, elle n’embrasse déjà pas sa mère ni même la Queen, faut pas poussé). Elle préfère faire une geste du poignet vague en direction (plus ou moins) de la salle de bain pour l’y pousser, regrettant de ne pas maîtriser la télékinésie pour l’y envoyer de sa simple volonté. Mais son talent de persuasion (insert hair flip) suffit alors qu’il tourne les talons non sans râler as per usual et elle roule des yeux, Sunny, un petit sourire figé sur les lèvres. That’s what he thinks.
Elle n’a pas encore dit son dernier mot.

La tête sort de sa cachette quand elle entend les pas de Nate de retour, le sourire déjà effilé sur ses lèvres en bonne cachottière. Il s’entête à refuser et elle ne peut que secouer la tête, Sunny, incapable de comprendre pourquoi il essaie de perdre du temps comme ça. Ce n’est pas comme si elle lui laissait le choix. Ce n’est pas comme si elle n’obtenait jamais gain de cause jusqu’à présent. Ce n’est pas comme si elle y croyait vraiment ou qu’ils ne savaient pas, tous les deux, comment cet argument allait se terminer. « Sure pretty boy. Can you repeat that but please, this time, try to be a little more convinced? Or convincing for that matter. » Le sourire insolent et indolent alors que le joint quitte ses longs doigts pour venir s’échouer entre les lèvres de son pote. Elle le laisse s’installer, déplaçant et replaçant ses jambes à sa guise, un bras passé par-dessus le dossier du canapé. « Aren’t you a little bit curious about what’s going on there? We’ve neve been, might be fun. » Qu’elle hausse les épaules et ne peut que claquer des doigts alors qu’il en rajoute une, de raison d’aller visiter Gotham. « Exactly! I mean. There’s a freaking asylum out there that we knew nothing about and freaks escaped. Why? Why would they run? Why were they there in the first place? Maybe they’re not just mortal freaks, maybe there’s more to it. Some kind of experiments of some sort. Or some other bullshit like that. » Ou peut-être que c’est juste parce qu’elle se fait chier et qu’elle a besoin de se dégourdir les pattes mais qu’elle ne va jamais (ou si rarement) nulle part sans son acolyte. Parce que ce serait comme voir Frankenstein sans son monstre (elle se passera bien de dire lequel des deux joue le rôle de la bête). Elle récupère le joint, les sourcils levés. Mais son enthousiasme retombe quand elle le voit récupérer son portable et la question qui l’accompagne. Elle se laisse retomber en arrière, la tête s’enfonçant dans le coussin du canapé alors qu’elle tire une taffe. « Yup. Same thing you’re having. » Parce qu’elle se fiche bien, en l’instant, d’avoir du chinois, du rap, du mexicain ou peu importe ce qu’il commande. Elle ne lui laisse que cet instant de répit. Lui faire croire qu’elle le laisse gagner. Pour mieux revenir un peu plus tard — sans doute quand les estomacs seront remplis. La télécommande toujours en main, elle reprend son zapping. « You still haven’t told me about the party, by the way. How was it? Seen some nice chicks? » Le sourire et le regard en coin, les genoux qui se plient pour mieux enfoncer ses pieds entre les côtes de Nate pour lui tirer les vers du nez.