tell me i'm wrong › carol

Un drôle de monde. Une drôle de vie. C’est ironique, quand on sait que c’est ce que t’as toujours voulu. Aller sur Terre, rencontrer des Humains. N’est-ce pas pour ça que tu as lu avec tant d’assiduité tous ces ouvrages à leurs sujets ? Pour être prête le moment venu et ne pas être trop désarçonnée par leur mode de vie ? Par leurs uses et coutumes ?  Tu devrais être ravie d’être là, parce que c’était ton rêve. Mais est-ce que le jeu en vaut véritablement la chandelle ? Tu ne pensais pas que venir ici aurait un prix. Que ça se ferait dans de telles conditions. Tu pensais utiliser Gueule d’Or pour te téléporter ici pour quelques temps. Plusieurs secondes, voire quelques mois. Comme des vacances, quelque chose comme ça. C’était naïf de ta part de penser qu’une telle chose serait possible. Que ta vie ne serait que le déroulement d’un chemin sans obstacle. C’est fou comme Attilan peut te manquer, et comme cette vie ici peut t’effrayer. Car rien ne s’est déroulé comme tu le voulais. Tes vacances ici se sont transformées en une fuite vers l’inconnu. Sans plan B ni retour en arrière possibles.

Mais il faut que tu t’y fasses, n’est-ce pas ? Parce que ce n’est pas comme si tu avais le choix. Jusqu’à ce que Flèche Noire réussisse à reprendre le trône qui lui revient de droit, tu vas devoir vivre ici. Te terrer dans cette ville dont tu ne connais rien. Comme une fugitive. Parce que c’est ce que tu es, depuis que t’as passé ce portail et que tu as quitté Attilan. Si tu reviens là-bas, tu seras exécutée. Ou mariée de force à Maximus. L’un comme l’autre ces perspectives ne t’enchantent guère. Alors après avoir poussé un profond soupire, tu remets tes lunettes de soleil en place et tu te décides à traverser la route. Cette fois t’as compris la leçon, et tu surveilles bien qu’aucune voiture ne soit sur ton chemin –même si cette rue semble être interdite aux voitures, faut quand même que tu prennes le réflexe à chaque fois que tu traverses-. Vivre comme une humaine. Ce n’est pas tant une torture que ça. Les débuts sont difficiles, mais c’est normal, il faut que tu t’acclimates. Mais une fois que tu auras un toit stable sous ta tête, un métier qui te plaira à peu près, et que tu auras acquis une certaine aisance avec la société, alors t’en es persuadée, tu apprendras à l’aimer, cette Terre.

T’arrêtant devant une vitrine, tu observes pendant de longues secondes la robe exposée sur le mannequin. C’est qu’elle est jolie. Le prix, par contre, ne l’est pas vraiment. Hors de portée. Alors oui, tu pourrais briser cette vitre et t’enfuir, tu en as les capacités. Mais à quoi bon ? Tu ne ferais que braquer les projecteurs sur toi. Et pour le moment, c’est la dernière de tes attentions. Alors après une grimace, tu reprends ta route. Ça sera pour une prochaine fois. Agrippant plus fermement le journal que tu tiens entre tes doigts, tu parcoures les petites annonces à la recherche de celle que tu as entourée au feutre. Ça parle d’un bar qui recherche une serveuse, et il ne doit pas être très loin. Alors que tu observes les environs, ton regard accroche une silhouette que tu reconnais. Tu as déjà vu cette femme à Attilan il y a plusieurs années. Le pourquoi elle était là-bas, tu ne t’en souviens plus, mais sa présence dans cette ville ne peut pas être un hasard. Tu dois la fixer un peu trop intensément car elle capte ta présence et te dévisage. Est-ce qu’elle est envoyée par Maximus pour te traquer ? Ni une, ni deux, tu lâches le journal qui tombe mollement au sol, fais volte face, et te mets à courir pour te mettre à l’abri.